« Dominique A., c'est une vieille histoire pour moi : il y a eu l'électrochoc de "la Fossette", puis quelques grands plaisirs par ci par là, et une lente désaffection de ma part : si j'apprécie ses penchants - récurrents - à l'extrémisme musical, je me méfie autant de sa fascination occasionnelle pour la chanson française, un genre qui me donne des boutons. Mais là, il y a "la Musique / la Matière", son meilleur (double) album depuis... une éternité... Et puis, ce qui ne compte pas pour rien, il y a ce soir le petit plaisir chauvin (rare chez moi, alors pardonnez-moi) d'aller soutenir un artiste français de passage à Madrid.
Le Neu! Club est situé dans un quartier un peu excentré de Madrid, ce qui signifie accès facile et stationnement aisé… impeccable après une longue journée de boulot. Ouverture des portes avant les 21 heures prévues, je suis le premier dans la queue (le concert est, curieusement, sold out), et, malgré quelques resquilleurs qui ont réussi à rentrer avant, pas de problème pour être au premier rang : il faut dire que, "club" oblige, les gens se massent au bar ou s'assoient aux tables dans le fond de la salle... Une salle de taille plus grande que ce à quoi je m'attendais d'ailleurs, à peu près comparable à vue de nez au Point Ephémère, mais en plus dégagée, avec la scène à bonne hauteur, environ 1 mètre. Seule curiosité, des tables en marbre sont alignées devant la scène, imposant un recul de quelques dizaines de centimètres, mais permettant de déposer sacs et vêtements (... et aussi bières et soucoupes pleines de cacahouètes !). Pour juger du son, il faudra attendre un peu...
Ce soir, je suis aussi venu parce que c'est "Dominique A. + banda" ! Sur scène, deux claviers de taille réduite (minimalisme oblige) de part et d'autre de la batterie, mais aussi assez de guitares pour ne pas être inquiet quant à la tournure que devraient prendre les événements. 22 h 10, le groupe entre sur scène avec 5 minutes d’avance sur le programme, c’est assez rare pour être signalé…
D'abord, pas de surprise : Dominique A. est exactement comme je savais qu'il allait être. Une silhouette légèrement épaissie par l'âge, qui lui confère désormais une densité accrue, des gestes à la fois amples de chef d'orchestre lyrique, et soudainement hachés de tressaillements nerveux, une joie simple de jouer qui contraste avec la tonalité sombre, voire tragique, de la majorité de ses chansons, des vêtements noirs pour mettre en valeur un crâne lisse et brillant, une voix parfaite (eh oui, Dominique A est devenu un... "chanteur", à force ! Les rieurs des débuts se sont tus...), la Telecaster crème qui cisaille et qui perpétue la tradition d'un rock français que nous qualifierons de "de l'ouest" et que je fais volontiers remonter aux Dogs. Mais ce soir, Dominique est entouré d'un trio (la "banda", justement) qui fait la différence : car, à la droite de Dominique A., il y a un tout jeune guitariste d'obédience noisy psychédélique, remarquablement inspiré dans ses solos comme dans son accompagnement, qui enrichit de manière souvent époustouflante les ambiances traditionnellement très "sèches" des chansons de Dominique A. Et ce soir, il va y avoir de la chair, de la viande autour des os saillants de la musique (mais toujours pas une once de graisse, rassurez-vous !). Ce soir, même si on ne saura jamais accoler le terme de "pop" aux compositions blêmes et souvent atonales de Dominique A., il y aura encore plus de "noise" que d'habitude… ce qui va me mettre en joie, et, à ma suite, une bonne partie du public de Neu ! Club.
Si le concert commence de manière assez soft, avec des chansons qui font chansons (vous me comprenez, non ?) - j'ai le plaisir d'entendre le délicieux Il ne dansera qu'avec elle au quasi début) -, a partir de "la musique", les choses vont prendre une autre tournure, et même atteindre des pics d'intensité inattendus, sur Je suis parti, et surtout Nanortalik, sommet absolu de la soirée, dans une version sonique qui m'a rappelé les envolées névrotiques des Feelies (pas une mince comparaison, non ?). D'ailleurs, le public s'est mis à crier de plaisir en plein milieu du morceau, ce qui n'arrive pas si souvent que ça, même en Espagne : c'était une jouissance absolue, c'était l'excitation comme on l'attendait, et comme on ne pensait pas que Dominique A. nous la donnerait ce soir. J'ai alors pensé à l'ami Gilles B, qui aime ce genre de transe hypnotique, et aurait vécu ce grand moment en syntonie avec moi...
Je dois aussi dire que j'ai trouvé Dominique très classe ce soir, ne parlant qu'en espagnol (de cuisine, hilarant donc, mais tellement spontané que c'en était joyeux) à son public, et introduisant la plupart des chansons par des remarques incongrues et amusantes, sans qu'on sache s'il s'agissait de second degré, ou simplement de ses dons limités en langue. Parler de "los chicos perdios" ou de "el comercio del agua", puis s'excuser du pauvre castillan utilisé dans le sublime Hasta que el cuerpo aguante, ça a quand même plus de classe, non, que nos éternels adolescents américains incapables de marmonner le moindre mot qui ne soit pas en anglais, non ?
Au bout de 1 h 05, ce qui ne fait pas longtemps, le groupe a pris une pause de quelques minutes, mais est bien vite revenu pour deux rappels parfaits, qui ont entraînés le set très près de la barre des 90 minutes, avec une succession de perles du répertoire "classique" de Dominique A., réinterprétées complètement dans l'esprit de la tournée : quelque fois ça ne marchait pas (la ritournelle de 22 Bar ne se prêtait visiblement pas à l'exercice), mais c'était souvent magique... La Peau, ce texte magnifique sur l'obsession pour le corps des femmes, y a gagné une violence émotionnelle inédite, tandis que l'immortel Courage des Oiseaux, appuyé sur une boucle vaguement Depeche Mode / New Order, et recouvert de hululement des deux guitares à l'unisson, était méconnaissable, mais concluait admirablement le set.
Epaté, que je suis : même si le dernier album laissait présager un nouveau seuil d'excellence, je suis surpris de cet état de grâce, évident et radieux, qu'a atteint Dominique A. en 2009 (pardon, 2010). Je me ressaisis à temps pour récupérer la set list de l'organiste qui m'est donnée par un sympathique membre de l'équipe technique, et, doucement, je laisse la salle se vider de son public très mixte (un quart français, trois quarts espagnol, je dirais, à vue de nez). A ce moment-là, je tombe sur un collègue franco-espagnol du bureau, ce qui fait forcément plaisir : après tout, ne pas être seul à apprécier ce genre d'expérience, c'est un peu rassurant, non ? »
Le Neu! Club est situé dans un quartier un peu excentré de Madrid, ce qui signifie accès facile et stationnement aisé… impeccable après une longue journée de boulot. Ouverture des portes avant les 21 heures prévues, je suis le premier dans la queue (le concert est, curieusement, sold out), et, malgré quelques resquilleurs qui ont réussi à rentrer avant, pas de problème pour être au premier rang : il faut dire que, "club" oblige, les gens se massent au bar ou s'assoient aux tables dans le fond de la salle... Une salle de taille plus grande que ce à quoi je m'attendais d'ailleurs, à peu près comparable à vue de nez au Point Ephémère, mais en plus dégagée, avec la scène à bonne hauteur, environ 1 mètre. Seule curiosité, des tables en marbre sont alignées devant la scène, imposant un recul de quelques dizaines de centimètres, mais permettant de déposer sacs et vêtements (... et aussi bières et soucoupes pleines de cacahouètes !). Pour juger du son, il faudra attendre un peu...
Ce soir, je suis aussi venu parce que c'est "Dominique A. + banda" ! Sur scène, deux claviers de taille réduite (minimalisme oblige) de part et d'autre de la batterie, mais aussi assez de guitares pour ne pas être inquiet quant à la tournure que devraient prendre les événements. 22 h 10, le groupe entre sur scène avec 5 minutes d’avance sur le programme, c’est assez rare pour être signalé…
D'abord, pas de surprise : Dominique A. est exactement comme je savais qu'il allait être. Une silhouette légèrement épaissie par l'âge, qui lui confère désormais une densité accrue, des gestes à la fois amples de chef d'orchestre lyrique, et soudainement hachés de tressaillements nerveux, une joie simple de jouer qui contraste avec la tonalité sombre, voire tragique, de la majorité de ses chansons, des vêtements noirs pour mettre en valeur un crâne lisse et brillant, une voix parfaite (eh oui, Dominique A est devenu un... "chanteur", à force ! Les rieurs des débuts se sont tus...), la Telecaster crème qui cisaille et qui perpétue la tradition d'un rock français que nous qualifierons de "de l'ouest" et que je fais volontiers remonter aux Dogs. Mais ce soir, Dominique est entouré d'un trio (la "banda", justement) qui fait la différence : car, à la droite de Dominique A., il y a un tout jeune guitariste d'obédience noisy psychédélique, remarquablement inspiré dans ses solos comme dans son accompagnement, qui enrichit de manière souvent époustouflante les ambiances traditionnellement très "sèches" des chansons de Dominique A. Et ce soir, il va y avoir de la chair, de la viande autour des os saillants de la musique (mais toujours pas une once de graisse, rassurez-vous !). Ce soir, même si on ne saura jamais accoler le terme de "pop" aux compositions blêmes et souvent atonales de Dominique A., il y aura encore plus de "noise" que d'habitude… ce qui va me mettre en joie, et, à ma suite, une bonne partie du public de Neu ! Club.
Si le concert commence de manière assez soft, avec des chansons qui font chansons (vous me comprenez, non ?) - j'ai le plaisir d'entendre le délicieux Il ne dansera qu'avec elle au quasi début) -, a partir de "la musique", les choses vont prendre une autre tournure, et même atteindre des pics d'intensité inattendus, sur Je suis parti, et surtout Nanortalik, sommet absolu de la soirée, dans une version sonique qui m'a rappelé les envolées névrotiques des Feelies (pas une mince comparaison, non ?). D'ailleurs, le public s'est mis à crier de plaisir en plein milieu du morceau, ce qui n'arrive pas si souvent que ça, même en Espagne : c'était une jouissance absolue, c'était l'excitation comme on l'attendait, et comme on ne pensait pas que Dominique A. nous la donnerait ce soir. J'ai alors pensé à l'ami Gilles B, qui aime ce genre de transe hypnotique, et aurait vécu ce grand moment en syntonie avec moi...
Je dois aussi dire que j'ai trouvé Dominique très classe ce soir, ne parlant qu'en espagnol (de cuisine, hilarant donc, mais tellement spontané que c'en était joyeux) à son public, et introduisant la plupart des chansons par des remarques incongrues et amusantes, sans qu'on sache s'il s'agissait de second degré, ou simplement de ses dons limités en langue. Parler de "los chicos perdios" ou de "el comercio del agua", puis s'excuser du pauvre castillan utilisé dans le sublime Hasta que el cuerpo aguante, ça a quand même plus de classe, non, que nos éternels adolescents américains incapables de marmonner le moindre mot qui ne soit pas en anglais, non ?
Au bout de 1 h 05, ce qui ne fait pas longtemps, le groupe a pris une pause de quelques minutes, mais est bien vite revenu pour deux rappels parfaits, qui ont entraînés le set très près de la barre des 90 minutes, avec une succession de perles du répertoire "classique" de Dominique A., réinterprétées complètement dans l'esprit de la tournée : quelque fois ça ne marchait pas (la ritournelle de 22 Bar ne se prêtait visiblement pas à l'exercice), mais c'était souvent magique... La Peau, ce texte magnifique sur l'obsession pour le corps des femmes, y a gagné une violence émotionnelle inédite, tandis que l'immortel Courage des Oiseaux, appuyé sur une boucle vaguement Depeche Mode / New Order, et recouvert de hululement des deux guitares à l'unisson, était méconnaissable, mais concluait admirablement le set.
Epaté, que je suis : même si le dernier album laissait présager un nouveau seuil d'excellence, je suis surpris de cet état de grâce, évident et radieux, qu'a atteint Dominique A. en 2009 (pardon, 2010). Je me ressaisis à temps pour récupérer la set list de l'organiste qui m'est donnée par un sympathique membre de l'équipe technique, et, doucement, je laisse la salle se vider de son public très mixte (un quart français, trois quarts espagnol, je dirais, à vue de nez). A ce moment-là, je tombe sur un collègue franco-espagnol du bureau, ce qui fait forcément plaisir : après tout, ne pas être seul à apprécier ce genre d'expérience, c'est un peu rassurant, non ? »
Dominique A, de son vrai nom Dominique Ané est un auteur-compositeur-interprète français. Il est considéré comme l'un des fondateurs de la nouvelle scène française au début des années 1990.
(http://www.myspace.com/dominiquea)
Albums studio
1991 : Un disque sourd
1992 : La Fossette
1993 : Si je connais Harry
1995 : La Mémoire neuve
1999 : Remué
2001 : Auguri
2004 : Tout sera comme avant
2006 : L'Horizon
2009 : La Musique
1991 : Un disque sourd
1992 : La Fossette
1993 : Si je connais Harry
1995 : La Mémoire neuve
1999 : Remué
2001 : Auguri
2004 : Tout sera comme avant
2006 : L'Horizon
2009 : La Musique
En public
2004 : Solo aux Bouffes du Nord (DVD)
2007 : Sur nos forces motrices
Compilations
2002 : Le Détour
2007 : Les Sons cardinaux
2009 : Songs over troubled water
Le Sens (La Musique - 2009)
Il Ne Dansera Qu’Avec Elle (La Musique - 2009)
Les Garçons Perdus (La Musique - 2009)
Revenir Au Monde (Tout Sera Comme Avant - 2004)
Qui Es Tu? (La Musique - 2009)
Le Commerce de l’Eau (Auguri - 2001)
Hasta (Que El Cuerpo Aguante) (La Musique - 2009)
La Musique (La Musique - 2009)
Le Bruit Blanc De L’étè (La Musique - 2009)
En Secret (Auguri - 2001)
Bel Animal (La Musique - 2009)
Je Suis Parti Avec Toi (La Musique - 2009)
Valparaiso (La Musique - 2009)
Immortels (La Musique - 2009)
Le Faussaire (La Memoire Neuve - 1995)
Nanortalik (La Musique - 2009)
L’Entretemps (La Musique - 2009)
Il Ne Dansera Qu’Avec Elle (La Musique - 2009)
Les Garçons Perdus (La Musique - 2009)
Revenir Au Monde (Tout Sera Comme Avant - 2004)
Qui Es Tu? (La Musique - 2009)
Le Commerce de l’Eau (Auguri - 2001)
Hasta (Que El Cuerpo Aguante) (La Musique - 2009)
La Musique (La Musique - 2009)
Le Bruit Blanc De L’étè (La Musique - 2009)
En Secret (Auguri - 2001)
Bel Animal (La Musique - 2009)
Je Suis Parti Avec Toi (La Musique - 2009)
Valparaiso (La Musique - 2009)
Immortels (La Musique - 2009)
Le Faussaire (La Memoire Neuve - 1995)
Nanortalik (La Musique - 2009)
L’Entretemps (La Musique - 2009)
Encore 1
Gisor (Kick Peplum E.P. - 2009)
Pour La Peau (Auguri - 2001)
Encore 2
22 Bar (La Memoire Neuve - 1995)
Le Courage Des Oiseaux (La Fossette - 1992)
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