Ce qu’en a pensé Eric :
« Il faut reconnaître que la logistique de ce soir a été un peu compliquée : changement de salle (une spécialité à Madrid, je suis en train de m'en rendre compte) de la Riviera au Palacio Vistalegre, une sorte de grand Zénith (14.000 places) inséré de manière étonnante au milieu du tissu urbain d'une banlieue populaire de l'ouest de la ville ; nécessité - pour une fois - d'arriver tôt avec une ouverture des portes prévue pour 19 h et trois groupes au programme ; et pas mal de confusion à l'entrée, entre les portes qui ouvrent et celles qui n'ouvrent pas. Longue attente dans le froid (5 degrés, l'hiver approche à grands pas...), mais discussion sympa avec des fans de tous pays (Italie, Colombie, Pologne) assez interloqués quand je leur explique la vie trépidante et passionnée des rock'n'roll motherf***s ! A 19 h 30, on entre enfin, et je retrouve le plaisir (euh) de la course pour arriver au premier rang : les gradins, où j'avais pensé un moment m'installer pour attendre Sophie - qui arrivera bien plus tard - sont en effet fermés... Comme quoi Editors attirent plus de gens à Madrid qu'à Paris, mais pas tant que ça non plus !!
19 h 40 : le premier groupe entre en scène, il s'agit de Wintersleep, des Canadiens... qui vont d'abord me faire une forte impression, avec leur college rock turbopropulsé par une rythmique décoiffante (batteur survolté, basse Rickenbaker ronflante), avec de jolies montées d'adrénaline et des chœurs accrocheurs. Une sorte de REM (la voix plaintive et touchante du chanteur, les racines très américaines) qui aurait retenu les leçons des seventies, jouant l'intensité échevelée plutôt que la classe hypnotique, si l'on veut. Malheureusement, l'état de grâce ne dure que trois morceaux, et on s'enlise ensuite dans des chansons plus calmes pas passionnantes, avant un final largement instrumental, héroïque et longuet, qui n'arrive pas à retrouver l'excitation du début. Dommage... Néanmoins, il y a du potentiel là dedans ! A noter qu'au milieu du concert, guitariste et claviers échangent leurs places, sans que l'on ne saisisse à quoi ça rime, sauf à faire effet de mode... Une petite demi-heure pour cette "1ère première" partie...
Changement de matériel mené tambour battant, puisqu' à 20 h 30, The Maccabees entrent en scène : tout de suite, bien que ne connaissant rien de la musique de ce groupe à l'excellente réputation, je sens que c'est parti pour une petite merveille de concert : un chanteur, un vrai, à la voix magnifique, entre Bryan Ferry et Win Butler, pour le situer, et une musique qui ne ressemble pas à grand chose d'autre, ce qui est très bien à notre époque de recyclage tout azimut. C'est pop et "frais" - comme dirait mon ami Gilles B - certes, mais ça oscille aussi entre musique atmosphérique et rock qui cogne, entre romantisme post-smithien et dérapages incontrôlables. Pas un morceau faible pendant les 30 minutes pile du concert, damned, il faut que je me précipite sur le disque ! A noter que ces petits jeunes paraissent absolument ravis de ce qui leur arrive, d'être à Madrid devant des milliers de gens, et que leur joie est forcément touchante (ce seront d'ailleurs les seuls de la soirée à faire un maximum d'efforts pour communiquer avec le public, avec humour et légèreté, malgré leur espagnol minimal...). Bravo !
Sophie arrive alors que c'est l'entracte, retardée par un accident sur la M30, mais les gens, très gentils comme toujours ici au concert, la laissent passer devant pour me rejoindre. Une fois de plus, ce sera surprenant pour nous, Français, habitués au chaos parisien, de constater combien tout le set d'Editors se déroulera dans une ferveur calme, sans bousculade ni compression : décidément, il y a un sacré confort à assister à des concerts de rock à Madrid ! Conditions idéales pour nous donc, au premier rang, avec une belle vue sur la scène, du fait de la largeur de la fosse, avec un son impressionnant, fort et incroyablement clair - jamais nous n'aurons aussi bien entendu la voix de Tom Smith en live, et ce qu'il fait est constamment impressionnant. Par rapport à la tournée précédente, la disposition de la scène a changé, avec un bloc de claviers - nouveau style musical oblige - au milieu de la scène, séparant Chris Urbanovicz (qui alterne donc désormais entre sa guitare Rickenbaker et ses synthés vintage) et Tom Smith. Il faut donc plus que jamais se placer à gauche (c'est là que nous sommes...) dans la mesure où Tom Smith nous fait maintenant face lorsqu'il est au piano. Le groupe attaque avec l'impressionnante intro de son dernier album, In This Light And On This Evening, et c'est immédiatement MAGIQUE, avec ce démarrage dans le dernier quart du morceau, qui soulève littéralement la salle toute entière ! Un morceau, et c'est déjà gagné, j'ai l'impression que Editors n'a jamais encore été aussi bon... Et ce d'autant qu'ils enchaînent avec An End Has A Start - beau à pleurer - puis Blood, puissant ! Je me retiens quand même de crier au miracle, car l'expérience a prouvé qu'Editors a du mal à maintenir ce genre de perfection tout au long de son set, et ce soir ne va pas faire exception... sauf que la redescente ne sera pas directement dûe à Tom Smith et à sa bande, mais à un problème inattendu de sono... une sono qui lâche en plein milieu du superbe The Boxer ! Le groupe quitte la scène, la frustration est insoutenable, d'autant que le break s'éternise : lumières rallumées, musique d'ambiance, tout y est pour que l'atmosphère soit gâchée... Et ce d'autant que, quand Editors remonte sur scène, nous constatons que la guitare de Chris Urbanowicz est maintenant complètement sous-mixée, quasiment inaudible derrière les assauts de la basse et de la telecaster de Tom Smith ! Ô rage, ô désespoir... les choses rentrerons peu à peu dans l'ordre, mais le concert va mettre du temps à redécoller - une belle version de Escape The Nest n'y suffira pas complètement... Jusqu'à un The Racing Rats prodigieux, le climax de la soirée, le moment où on aura senti qu'Editors est en passe de devenir un groupe immense : oui, ce soir, The Racing Rats aura fait hurler les milliers de personnes présentes, et dresser les cheveux sur la tête à la grande majorité d'entre nous ! Et là, bizarre, bizarre, la set list prend la tangente : au milieu de toutes les merveilles figurant sur les 3 albums du groupe, le choix se porte alors sur des morceaux faibles du dernier album (Eat raw Meat = Blood Drool, sans aucun intérêt, comme sur le disque) ou des extraits peu connus du premier (comme ce Like Treasure, pas mal, mais bon...). Pour un Smokers... (pas gardé pour le rappel, désormais) consensuel, plusieurs morceaux tièdes !
Mais on attend le rappel, et on ne va pas être déçus, même s'il commence en mode bémol avec un Walk The Fleet Road "just so-so...", parce qu'ensuite, la poudre va parler : imaginez seulement... On commence avec Munich, qui fait rugir de plaisir tous les fans de la première heure, et il y en a beaucoup dans la salle, vu que, encore une fois, tout le monde chante les paroles par cœur. Puis, le titre que j'attends, mon coup de cœur perso de 2009, le magnifique Papillon, une sorte de consécration pop qui voit enfin Editors échapper à l'ombre envahissante de Joy Division pour nous livrer une chanson de pure jouissance. Et on termine avec Fingers in the Factory, comme à la grande époque de leurs débuts, histoire de bien marteler leur suprématie !
1 h 42 en tout, mais en incluant 10 minutes de break technique et deux minutes avant le rappel, Editors a joué les 90 minutes réglementaires, ce qui frustre quand on pense aux merveilles qui n'ont pas eu leur place ce soir sur la set list... Une set list au final astucieuse, équilibrée entre "crowd pleasers" et morceaux peu connus, et avec ces chansons certes plus faibles de "In This Light and On This Evening" qui apportent une vraie respiration au concert, une variété d'ambiances qui corrige ce qui était le gros défaut du groupe en scène jusque là, l'uniformité. Bref, Editors a tout aujourd'hui pour passer au mega-stardom planétaire : un chanteur exceptionnel, qui est en outre un vrai showman passionnant à observer (ces mimiques, ces contorsions, cette passion de tous les instants dans son interprétation...), des chansons fédératrices, quelques hits, et une grande maîtrise de leur Art. Ceci dit, personnellement, je n'ai rien contre le fait qu'ils restent modérément connus aussi, car partager un groupe qu'on aime aussi intensément avec toute la planète, c'est forcément beaucoup de jalousie en perspective ! ».
Editors (et non « The Editors ») est un groupe de rock indépendant britannique originaire de Birmingham. L'amplitude épique de leur musique les font souvent comparer à d'illustres prédécesseurs des années 1980 tels que Joy Division, Echo and the Bunnymen, Kitchens of Distinction, etc. Ils ont néanmoins acquis une première identité de groupe, surfant sur la "new new wave" initiée par des groupes américains comme Interpol : atmosphère glaciale, pochette sépulcrale à la Peter Saville, voix caverneuse de Tom Smith (qui peut rappeler effectivement Ian Curtis), guitare incisive, batterie syncopée, lignes de basse puissantes et oppressantes, mélodies martiales et obsédantes, esthétique de l'urgence. Leur premier album The Back Room (25 juillet 2005) obtient un succès critique immédiat. Troisième album est en collaboration avec Flood, prévu pour décembre 2009.
(http://www.myspace.com/editorsmusic)
Tom Smith (vocal & guitar)
Chris Urbanowicz (guitar)
Russ Leetch (bass)
Ed Lay (drums)
In This Light and on This Evening (In This Light and on This Evening - 2009)
And End has a Start (An End Has A Start - 2007)
Blood (The Back Room - 2005)
You Don't Know Love (In This Light and on This Evening - 2009)
Bones (An End Has A Start - 2007)
Bullets (The Back Room - 2005)
The Boxer (In This Light and on This Evening - 2009)
The Big Exit (In This Light and on This Evening - 2009)
Escape the Nest (An End Has A Start - 2007)
Eat Raw Meat = Blood Drool (In This Light and on This Evening - 2009)
Smokers Outside the Hospital Doors (An End Has A Start - 2007)
Like Treasure (In This Light and on This Evening - 2009)
Camera (The Back Room - 2005)
The Racing Rats (An End Has A Start - 2007)
You Are Fading (B-Side Bullets - 2005)
Bricks and Mortar (In This Light and on This Evening - 2009)
Encore
Walk the Fleet Road (In This Light and on This Evening - 2009)
Munich (The Back Room - 2005)
Papillon (In This Light and on This Evening - 2009)
Fingers in the Factories (The Back Room - 2005)
La durée du concert : 1h30
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